Travailler avec les arbres pour réguler les mauvaises herbes au jardin - Alley Cropping

Cet article est un épisode de ma série sur les techniques de jardinage inhabituelles que je trouve élégantes et inspirantes. Cette série fait partie de mon projet sur l’agroécologie.

Dans l’agriculture et le jardinage manuels, le contrôle des “mauvaises herbes”, des herbes folles, peut-être l’une des tâches les plus difficiles et les plus longues. Les techniques d’agriculture sur abattis-brûlis dans les zones forestières étaient autrefois un moyen de résoudre ce problème.

Imaginons que l’on vit dans une forêt.

La dense canopée capte toute la lumière disponible, empêchant la croissance de la plupart des plantes qui se trouvent en dessous. Pour profiter de cette zone sans adventices, on coupe les arbres, on brûle les débris végétaux et on plante des légumes et des céréales. Comme la zone a été exempte d’herbes sauvages pendant de nombreuses années, voire des décennies, presque aucune herbe ne pousse la première année. Quelques-unes poussent la deuxième année. Au cours de la troisième année cependant, les herbes folles deviennent tellement établies que le travail de désherbage devient significatif. Alors on se déplace sur une autre parcelle de cette dense forêt. On coupe, on brûle et recommence.

Le travail intense et pénible de l’abattage et du brûlage tous les deux ou trois ans demande tout de même moins de travail que l’arrachage manuel des adventices, chaque semaine, sur une parcelle déterminée.

D’une certaine façon, on peut comprendre cette pratique de culture sur abattis-brûlis comme le fait de déléguer aux arbres le difficile travail de désherbage, qu’ils accomplissent grâce à leur ombre dense, sur de nombreuses années.

Intéressant…

Mais alors, comment faire si l’on souhaite demander aux arbres de désherber pour nous, tout en évitant l’étape du brûlis ?

Il y a longtemps, en naviguant sur internet, je suis tombé sur une technique visant précisément à faire cela. C’est la culture intercalaire avec l’arbre inga (inga alley cropping), développée au Honduras, en Amérique centrale.

La culture intercalaire entre rangs de plantes pérennes est une pratique agricole qui appartient à la grande famille de l’agroforesterie, dans laquelle on cultive à la fois des arbres et des cultures annuelles. Dans le système de culture intercalaire d’inga, on plante des ingas très proches les uns des autres, en rangs, créant ainsi des allées étroites de moins de 2 m de large.

Au fur et à mesure que les arbres grandissent, ils commencent à ombrager les allées, contrôlant peu à peu les herbes sauvages. À un moment donné, on taille toutes leurs branches à hauteur de poitrine, c’est-à-dire qu’on transforme ces arbres en têtards ou en trognes. Alors que les allées sont soudainement inondées de soleil, recouvertes d’un épais paillis de feuilles mortes, on plante nos légumes.

Les légumes commencent à se développer dans des allées sans mauvaises herbes et baignées de soleil, ce qui favorise leur croissance et limite considérablement le temps de désherbage. Un an plus tard, après la récolte et après que les branches d’inga ont repoussé, on les taille à nouveau et on replante des légumes, et ainsi de suite, année après année.

Lorsque j’ai découvert cette méthode, j’ai été très enthousiaste, et j’ai même envoyé une candidature spontanée pour rejoindre le projet ! Ce qui m’a plu, c’est que cette pratique tentait de comprendre et d’imiter les mécanismes de la nature.

Mais j’ai aussi aimé la façon dont tant de fonctions écologiques étaient élégamment réunies.

Les herbes sauvages sont bel et bien contrôlées par l’ombre des arbres. Mais l’épais paillis de feuilles mortes maintient aussi le sol frais et humide, même si l’on a élagué toutes les branches. Les minéraux sont puisés en profondeur par les racines des arbres et sont régulièrement ramenés à la surface par les feuilles mortes. Du carbone frais, qui alimente la vie du sol, est apporté chaque année par ces mêmes feuilles mortes. L’inga étant de la famille des légumineuses, il peut fixer l’azote, dont une partie se retrouve aussi dans les feuilles mortes. Et, pour couronner le tout, les branches taillées peuvent être utilisées comme combustible local et renouvelable pour cuisiner. Tout cela avec ce design simple et seulement des outils manuels.

Malheureusement, la Fondation Inga (site en anglais et un peu en espagnol), qui développe cette pratique, n’a jamais répondu à ma candidature !

Mais ce concept continue de m’inspirer, quand j’imagine, par exemple, comment utiliser des arbres têtards pour faire pousser des jardins surélevés vivants, ou quand je cherche comment utiliser d’autres arbres dont les feuilles sont comestibles, comme le tilleul, pour créer des systèmes de culture en allées intercalaires pour des climats plus froids.


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Lénaïc Pardon
Lénaïc Pardon

Je suis une sorte de chercheur-explorateur. Je suis français, introverti et hypersensible. Je donne beaucoup de valeur à la liberté, la créativité et l’altruisme. Je suis curieux sur à peu près tout, mais j’ai une préférence pour les sujets autour de la sobriété volontaire : permaculture, nature, artisanat, autonomie, philosophie, les mystères de la vie… Plus de détails sur mon travail et ma trajectoire >