Comment fabriquer une maison en bambou dans le style du peuple Amis de Taïwan ?

Cet article fait partie de mon projet sur l’artisanat en bambou.

Lors de notre visite sur la côte est de Taïwan pendant le Nouvel An chinois, nous nous sommes arrêtés dans un musée où nous avons découvert une maison traditionnelle en bambou.

J’ai observé les détails de cette maison, qui reproduit les techniques de construction traditionnelles du peuple Amis (prononcez ‘amisse’), et j’ai pris de nombreuses photos.

J’ai trouvé de très utiles astuces de construction, et le plancher m’a particulièrement inspiré pour de futurs projets…

Le peuple Amis, sur la côte Est de Taïwan

Les Amis sont un groupe ethnique aborigène originaire de Taïwan dont le territoire traditionnel est situé à l’est de l’île.

En passant par le village de Chimei, au sud de Hualien, nous nous sommes arrêtés au musée du patrimoine aborigène de Chimei (奇美原住民文物館).

À côté du musée se trouvait cette maison en bambou (street view).

Photo d'une maison en bambou du peuple Amis, de Taiwan.

J’étais très content. J’adore quand j’ai l’occasion de me plonger dans l’observation d’une œuvre artisanale ou architecturale. De m’immerger lentement dans l’esprit des concepteurs et dans les mains des artisans. On peut apprendre tellement de choses rien qu’en regardant attentivement chaque détail.

Alors, commençons la visite…

Observations architecturales dans une maison Amis en bambou

Les murs de la maison sont constitués de deux couches de bambous verticaux fins et tressés, séparés par quelques centimètres d’herbe sèche. Les murs créent un espace protégé tout en permettant une ventilation constante. Sous le climat humide de Taïwan, ces bambous sont recouverts d’une fine couche de champignons blancs. Je me demande comment c’est à l’intérieur.

Vue rapprochée du mur extérieur d'une maison en bambou Amis, Taiwan.

Les fenêtres sont protégées par des volets. Lorsqu’on ouvre un volet, on découvre cette intéressante grille de bambou.

Photo de la fenêtre avec le volet ouvert, dans une maison en bambou Amis à Taiwan.

Le musée et la maison sont fermés pour le Nouvel An chinois. Mais, comme nous sommes vraiment impatients de lever le voile sur le savoir ancestral caché dans cette maison, nous demandons à quelques habitants des environs l’autorisation d’entrer.

Ils nous permettent gentiment d’ouvrir la porte et de nous faufiler discrètement à l’intérieur…

En entrant, nous sentons une légère odeur de foin et de cendres froides. Même si le temps est assez humide à l’extérieur, l’intérieur de la maison est plus sec et pas de trace de champignons sur les bambous. On se sent à la maison !

Photo de l'espace intérieur d'une maison en bambou Amis, Taiwan.

La structure centrale de la maison s’avère être constituée de 16 troncs massifs récoltés dans la forêt voisine.

Après un moment, je me rends compte que le haut des piliers et le toit sont couverts d’une couche noire.

C’est probablement dû à la fumée d’un feu de cuisine.

En effet, on retrouve le foyer, au niveau du sol, comme dans certaines maisons traditionnelles de style japonais ou coréen.

Photo du foyer au niveau du sol, dans une maison en bambou Amis, Taiwan.

Faire un feu à l’intérieur pour cuisiner permet probablement à la maison de rester toujours un peu plus chaude et plus sèche. Comme il n’y a pas de cheminée, la fumée s’échappe à l’extérieur par le toit. Ce “fumage” continu du toit doit le rendre plus résistant à la dégradation par les champignons et les termites.

Au-dessus du feu est suspendue une structure ronde en bambou.

Une sorte d’étagère pour stocker le bois de chauffage avant de le brûler, et pour fumer et conserver les aliments ?

En scrutant plus attentivement ces grands piliers, je remarque que certaines parties sont friables !

C’est parce que des termites ont créé leur maison juste sous la surface du bois.

C’est dommage !

Mais cela ne se produit peut-être pas si la maison est habitée, avec la fumée de la cuisine quotidienne. Avec un peu de chance, les termites restent près de la surface, où le bois est plus tendre, et laissent le cœur des piliers intact.

Au niveau du toit, à l’exception des plus grosses poutres, toute la charpente est en bambou.

Photo du plafond d'une maison en bambou Amis, Taiwan.

Le sol de la maison est en quelque sorte suspendu à environ 40 cm du sol. C’est comme un très grand sushi mat, fait de longs bambous de ~1 cm de diamètre. Cette natte est posée sur des bambous horizontaux plus gros, des solives, fixés aux 16 piliers.

Photo du plancher en bambou d'une maison en bambou Amis, Taiwan.

Ce plancher végétal suspendu me rappelle les pièces en tatami au Japon. Il est légèrement flexible mais donne une impression de solidité. Sous nos pas, il grince un peu comme un panier. En m’allongeant dessus, j’ai l’impression de flotter dans l’air, sur une surface souple et ventilée.

Les solives, ces bambous plus gros qui soutiennent le plancher, sont placées plus ou moins à 20 cm d’intervalle. En dessous, on peut voir un sol sec avec des débris du chantier de construction.

Photo du sol sous le plancher en bambou hors sol, dans une maison en bambou Amis, Taiwan.

Quelques astuces de construction intéressantes

La charpente est constituée de poutres rondes et carrées. Avez-vous remarqué comment elles sont attachées les unes aux autres ?

Les piliers verticaux sont taillés pour recevoir les poutres horizontales. Puis, les pièces sont attachées par des lianes tissées. Pas de pièces métalliques, pas de clous, pas de chevilles. C’est de la charpente tissée ! Cette technique d’assemblage allie probablement force et souplesse pour résister efficacement aux fréquents tremblements de terre.

Les chevrons sont repliés sur la poutre faîtière. Ainsi, il n’est pas nécessaire de chercher comment les fixer solidement à la poutre. Cela permet aussi au toit d’être prêt à être secoué sans risquer la chute d’un chevron.

Vue rapprochée des chevrons en bambou plié dans une maison en bambou Amis, Taiwan.

Les rebords de fenêtres sont un des rares éléments en planche de bois. Ils sont légèrement inclinés pour laisser les éventuelles gouttes de pluie glisser vers l’extérieur.

Vue de près de l'appui de fenêtre incliné, dans une maison en bambou Amis, Taiwan.

Même avec du bambou, on peut faire des structures de contreventement. Comme ici, pour aider ces volets à conserver leur forme rectangulaire.

Observation détaillée d'une structure de contreventement dans une maison en bambou Amis, Taiwan.

Comme vous l’avez vu, tout dans cette maison est tissé. Qu’il s’agisse de bambou, d’herbe, de piliers ou de charpente, chaque pièce est reliée à une autre à l’aide d’une liane locale récoltée dans la forêt. Voici quelques-unes des techniques de tissage utilisées.

Dans le dernier exemple, vous pouvez remarquer que la liane est utilisée pour joindre, simultanément, les bambous verticaux, et un autre bambou horizontal juste derrière.

Et l’astuce finale : fabriquer le gond d’une porte en bambou en utilisant une vieille bouteille de bière !

Une inspiration pour un plancher en bambou, léger, bon marché, et agréable

Cette maison en bambou renferme de nombreuses astuces et techniques inspirantes. Mais il y a un élément qui a particulièrement retenu mon attention.

J’ai trouvé le sol à la fois beau, très agréable, et pas trop difficile à tenter de reproduire. Il utilise également des bambous fins, ce qui est pratique si on n’a pas accès à des bambous plus épais. Les solives en bambou peuvent être faites à l’aide d’un autre matériau. Et les lianes peuvent probablement être remplacées par de la ficelle.

Quel plancher agréable et léger pour faire une mezzanine ventilée dans une tiny house ! Quelle alternative bon marché et légère à une estrade de tatamis. On pourrait aussi utiliser cette technique pour faire un sommier ?

Et si on voulait être un peu plus audacieux ou audacieuse, on pourrait même essayer de fabriquer une grille de douche et voir combien de temps elle dure !


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Super ! Alors, vous aimerez peut-être aussi lire mon projet la construction de meubles en bambou avec des outils simples.

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Lénaïc Pardon
Lénaïc Pardon

Je suis une sorte de chercheur-explorateur. Je suis français, introverti et hypersensible. Je donne beaucoup de valeur à la liberté, la créativité et l’altruisme. Je suis curieux sur à peu près tout, mais j’ai une préférence pour les sujets autour de la sobriété volontaire : permaculture, nature, artisanat, autonomie, philosophie, les mystères de la vie… Plus de détails sur mon travail et ma trajectoire >