La pleine conscience pour dissoudre les émotions. Un exemple
Voici une illustration de la puissance de la simple observation dans la résolution des conflits internes.
Alors que je participais à une réunion professionnelle, j’ai été soudainement paralysé par de fortes émotions. J’ai tenté d’analyser la situation en direct, espérant trouver une solution à cette brusque difficulté. Mais face à l’intensité des émotions, incapable de parvenir à une analyse fructueuse, je n’ai eu d’autre choix que d’observer, dépité. C’est alors que cette observation des émotions, des sensations, sans chercher à comprendre ni à résoudre quoi que ce soit, s’est soldée par un résultat innatendu. Qu’a-t-il bien pu se passer ?
Cet exemple est basé sur une histoire vécue, racontée dans mon livre À la reconquête du bonheur perdu. Tu peux aussi découvrir d’autres extraits du livre, comme cette description amusée de ma retraite de méditation Vipassana.
Bonne lecture !
Paralysé par de fortes émotions
J’achève la présentation du travail accompli ces dernières semaines.
Assis autour de la table, une demi-douzaine de chefs et autres sous-chefs scrutent les diapositives. L’échéance approche pour notre projet et la tension monte, je me sens fatigué. À peine un chef prend-il la parole que sa critique m’affecte: “Cette légende est inadaptée”, annonce-t-il froidement.
Je suis surpris. Une remarque plus douce, dans un contexte moins tendu, m’aurait peut-être glissé dessus. Mais pas aujourd’hui. Mon cœur s’accélère, mes joues s’échauffent. Aurais-je fait une erreur ? J’avais pourtant bien vérifié. J’ai honte. Mais comment peut-il dire une chose pareille, et en public ? N’avait-il pas validé le document bien avant la réunion ? Je suis en colère. Je me sens humilié, je ne suis pas respecté !
Deux autres réunions passées, aussi marquées d’humiliation et d’injustice, refont surface dans mon esprit. Leur souvenir est si vif, la colère s’amplifie. J’aimerais me justifier, argumenter, mais ma perception se trouble, mes idées s’emmêlent.
Je tente d’analyser pour trouver une issue. J’exagère peut-être, cette remarque est toute petite, je suis un peu tendu ? Mais pourquoi si peu d’empathie de sa part, ni aucune bienveillance ? Je dois me faire respecter ! Mais comment ? Si c’est la colère qui sort de ma bouche, j’aurai l’air ridicule ! Oh, que je suis chochotte !
Cette fois c’est sûr, la dynamique de mon esprit m’a échappé, dans cet état d’agitation plus rien d’utile ne sortira de ce cerveau. Quel malheur, je régresse !
Tentative d’analyse en direct, puis observation par dépit
Reprenons le contrôle, essayons d’observer.
Concentrons-nous sur les aspects techniques de la réunion : les flux, les calculs, les valeurs. La colère tombe, puis remonte de nouveau. Imaginons la phrase parfaite, d’une sagesse infinie, que je prononcerai avec quiétude et majesté lors de ma prochaine humiliation. Le cœur ralentit, puis accélère encore. Pensons à ceux qui m’aiment et me respectent : mes amis, ma famille. Ah, merci à vous !
L’esprit se calme, et je prends conscience : ce chef a-t-il seulement pensé un seul instant aux potentiels effets physiologiques et psychologiques de sa critique ? Est-il si malveillant ? Non, c’est évident… Il est juste ignorant. La colère s’estompe, comment la ressentir contre un homme ignorant ? Je suis triste. Tant de chefs et de sous-chefs autour de cette table, et pourtant tant d’ignorance et d’inconscience.
Je quitte la réunion, las, secoué, éreinté. S’il vous plaît, laissez-moi, j’aimerais être seul, sur une île, loin, très loin.
Je suis vexé. Faire tant d’efforts pour s’améliorer, et se retrouver encore une fois étourdi et impuissant face à un vulgaire flot d’émotions. À quoi bon ?
Un résultat innatendu
Les heures passent, l’événement me revient à l’esprit, mais un étrange phénomène se produit : je constate que les émotions sont des coquilles. Il y a les petites coquilles collées de la surprise et de la honte, il y a l’imposante coquille de la colère, il y a la coquille molle de la tristesse.
Elles sont bien là, identifiées, étiquetées, mais elles sont vides ! Aucun sentiment n’émerge plus de leur observation ! Incroyable, elles étaient pourtant si poignantes, étourdissantes !
Plus surprenant encore, mes deux anciennes réunions humiliantes, ce matin encore si vives dans ma mémoire, se sont rapetissées ! Fades et floues, elles sont dorénavant en nuances de gris et en voie d’extinction. Moi qui collectionnais ces lourdes émotions pour l’éternité, m’en voici subitement libéré !
Que s’est-il passé ?
Deux neurones se connectent, et je saisis la nature du processus en œuvre dans mon esprit.
La difficulté émotionnelle est apparue et, fort de mon expérience psychothérapique, j’ai tenté vaillamment sur le champ d’analyser la situation pour trouver une issue. Mais, submergé, je n’ai pu réagir, ni même seulement réfléchir. Par dépit, j’ai observé. Et, avec étonnement, je constate la dissolution de toutes ces émotions !
Mais alors, peu importent les critiques, peu importe le contexte ! Il me suffit d’observer, sans forcément décrypter, pour être libéré ? Quelle chance d’être si fragile, quelle chance de n’avoir pu parler, j’ai ainsi été forcé d’éprouver le pouvoir de l’observation !
Mais, cette observation continuelle, cet effort d’attention sur le présent, ne serait-ce pas ce que l’on nomme pleine conscience, méditation ?
Article publié pour la pemière fois le 1er mars 2013.
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Ah, quel malheur ! Je suis si sensible, si vulnérable ! Mais que puis-je faire d’un corps si réactif ? Où est donc passé le mode d’emploi ? Être sensible, cela peut faire souffrir, n’est-ce pas ?
Pourtant, la sensibilité ne serait-elle pas, du même coup, un puissant outil d’évolution ? Un catalyseur de l’ouverture de conscience ? Une porte inattendue vers la vie spirituelle !
Alors, comment faire pour apprivoiser cette sensibilité ? Parviendrai-je un jour à reconquérir le bonheur perdu ? Et peut-être, même, à m’approcher de l’absolu ?